La conception théorique léniniste comme base idéologico-politique de la Révolution d'octobre
Traductions existantes
- Leninistische Theoriebildung als ideologisch-politische Grundlage der Oktoberrevolution
- Leninist Theory Building as Ideological-Political Foundation of the October Revolution
- Formación de teoría leninista como fundamento ideológico-político de la Revolución de Octubre
- La conception théorique léniniste comme base idéologico-politique de la Révolution d'octobre
- Формирование ленинистcкой теории как идеологическая основа Октябрьской революции
La grande Révolution d'octobre de 1917 avait initié, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, une phase de transition du capitalisme au socialisme. Même si le déclenchement de la révolution prolétarienne ne se produisait pas dans les autres pays impérialistes, la Révolution d'octobre fut tout de même un succès historique pionnier sur la base de l'unité de la théorie et de la pratique révolutionnaires.
Il n'était possible que grâce à une précédente discussion idéologique universelle, menée par Lénine, de toutes les questions principales que la construction du parti révolutionnaire et la révolution prolétarienne avaient à résoudre dans la pratique. Parmi divers organisations et partis qui défendent aujourd'hui l'importance de la Révolution d'octobre pour l'avenir de l'humanité, précisément cette importance déterminante du travail théorique idéologique comme combat préliminaire de la révolution socialiste internationale est souvent encore sous-estimée. Cependant il s'agit d'apprendre de la théorie et de la méthode de Lénine qui lui ont servi pour élaborer et mener à terme les fondements idéologique, politique et organisationnel de la Révolution d'octobre dans la lutte contre toutes nuances de l'idéologie bourgeoise et tous les courants petits-bourgeois dans le mouvement ouvrier.
Lénine a dit : « Sans théorie révolutionnaire pas de mouvement révolutionnaire … seul un parti guidé par une théorie d'avant-garde peut remplir le rôle de combattant d'avant-garde » (Lénine, Que Faire ?, Éditions du Seuil 1966, p. 78 et 80). Il étudia les écrits de Marx et Engels, en particulier leur méthode dialectico-matérialiste, et l'appliqua à l'analyse du développement du capitalisme en Russie tout comme à la lutte pour le parti prolétarien et sa stratégie et tactique. Il mena une lutte idéologique inconciliable contre les conceptions idéalistes des populistes[1] qui réfutaient le développement du capitalisme en Russie et qui supposaient que la paysannerie devrait jouer le rôle principal dans la révolution, et pas la classe ouvrière. Lénine prouva par contre que, justement grâce à la transformation du mode de production féodal en mode de production capitaliste à la campagne, se forma avec le prolétariat industriel moderne aussi la force révolutionnaire décisive. Il développa l'idée de l'alliance des ouvriers et des paysans. Il faut en tirer des leçons pour nos jours où le mode de production capitaliste s'est imposé à l'échelle mondiale, mais où des pays persistent où des rapports féodaux ou semi-féodaux existent toujours à la campagne.
Son écrit « Que faire ? », élaboré en 1902 à Munich, ne fut pas seulement un appel passionné pour mieux s'organiser et surmonter l'état de cercle encore prédominant à ce moment-là et le bricolage. Ce fut un débat idéologique systématique sur l'influence de l'idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise sous forme d'un culte du spontané et de la négation du rôle dirigeant du parti. Renoncer à élaborer et à développer en permanence la ligne idéologico-politique pour l'époque actuelle condamnerait les révolutionnaires à l'arrière-garde du mouvement spontané des masses. Celui-ci prend son essor aujourd'hui dans de nombreux pays, mais est plus ou moins influencé par des idées bourgeoises ou bien petites-bourgeoises. Il importe donc avant tout de construire un parti marxiste-léniniste dans chaque pays, et pour cela Lénine a développé un fondement idéologique clair avec son écrit « Un pas en avant, deux pas en arrière ». En prenant cela comme ligne directrice, le MLPD a construit, dans les conditions compliquées de l'impérialisme allemand et de la nouvelle organisation de la production capitaliste internationale, un parti révolutionnaire de type nouveau, un parti qui travaille sur la base du mode de pensée prolétarien.
Après la défaite de la révolution de 1905, Lénine élabora, dans la lutte contre le courant liquidateur naissant pour la plupart supporté par des intellectuels petits-bourgeois dans le parti, l'écrit « Matérialisme et empiriocriticisme ». Il y défendait le matérialisme dialectique contre un révisionnisme philosophique et ses tentatives de réanimer l'idéalisme, sous l’apparence du marxisme. Celui-là et les« Cahiers philosophiques » rédigés plus tard, mais aussi des articles plus courts comme celui « Sur la question de la dialectique » constituent des armes théoriques indispensables pour venir à bout de l'empiriocriticisme de type nouveau, du positivisme actuel, largement répandu. Il représente un fondement idéologique de l'anticommunisme moderne et nie l'existence de lois objectives inhérentes à la nature et la société qui agissent indépendamment de la volonté de l'homme. Ce faisant, il nie aussi la nécessité et la possibilité d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie et une tactique scientifiques pour révolutionner la société.
En tenant compte des nouveaux phénomènes et des changements essentiels qui résultent de l’évolution du capitalisme de la libre concurrence en capitalisme monopoliste d'État/en impérialisme, Lénine a développé le socialisme scientifique de façon décisive. Il élabora son écrit « L'impérialisme, stade suprême du capitalisme », un œuvre pionnier, dont les déclarations fondamentales ne cessent de se confirmer jusqu'à nos jours. Il y qualifia l'essence de l'impérialisme qui n'a pas perdu sa validité générale jusqu'à nos jours : « L'impérialisme est l'époque du capitalisme financier et des monopoles, qui provoquent partout des tendances à la domination et non à la liberté. Réaction sur toute la ligne, quel que soit le régime politique, aggravation extrême des antagonismes dans ce domaine également : tel est le résultat de ces tendances. » (Lénine, « L'impérialisme, stade suprême du capitalisme », Pékin 1966, p. 146). Lénine avait désigné le tsarisme comme « impérialisme militariste et féodal » (cité dans Staline, « Des principes du léninisme », Pékin 1970, p.35). Sur cette base, le parti bolchevique s’avéra, pendant la Première Guerre impérialiste comme unique parti qui ne dériva pas vers une position sociale-chauvine de la défense de la patrie, mais qui resta fidèle à la cause du socialisme et de l'internationalisme et qui organisa la révolution contre le gouvernement impérialiste de son propre pays.
D'août à septembre 1917, Lénine rédigeait son œuvre « L'État et la révolution ». Cela ne fut pas seulement une réfutation de l'opportunisme concernant la question de l’État prédominant dans la grande majorité des partis de la IIe Internationale, mais aussi une préparation idéologique des bolcheviques pour réaliser la révolution socialiste prolétarienne. Il y justifia, en renouant aux enseignements de Marx et Engels sur la dictature du prolétariat comme société de transition du capitalisme au communisme, comment cette transition pouvait être réalisée dans les conditions socio-économiques concrètes de la Russie.
Dans son analyse de l'impérialisme, Lénine partait d'une mobilité intérieure et d’une mutabilité de l'impérialisme. Dans son écrit « Pour le pain et pour la paix », publié en décembre 1917, il écrivit : « Devenu impérialisme, c'est-à-dire capitalisme des monopoles, le capitalisme s'est transformé sous l'influence de la guerre en capitalisme monopoliste d'État. Nous avons aujourd'hui atteint ce degré d'évolution de l'économie mondiale, prélude du socialisme. » (Lénine, Œuvres, tome 26, pp. 404-405) Sans aucun doute, Lénine même y parle d'un nouveau degré et d'un changement essentiel dans le développement de l'économie politique de l'impérialisme. Ceci montre qu'il faut distinguer entre l'essence universelle, donc générale de l'impérialisme et de l'essence particulière qui se modifie de l’impérialisme.
Avec la nouvelle organisation de la production capitaliste internationale depuis les années 1990, la formation de supermonopoles internationaux est devenue une caractéristique dans l’évolution du système impérialiste mondial. La propension générale de l'impérialisme à produire des crises se développe aujourd'hui au plan universel. Dans les systèmes internationaux de production intégrée et les zones économiques spéciales qui y sont liées naquit un prolétariat industriel international, organisé au niveau transnational. Cela signifie un changement qualitatif du développement sociétal, une nouvelle phase dans le développement de l'impérialisme et un changement de son essence particulière, où se déploie une interaction globale de luttes de classe nationales et internationales dans lesquelles le prolétariat industriel international, nouvellement né, joue le rôle décisif.
Dieter Ilius/MLPD
[1] Terme utilisé par Lénine pour les partisans du groupe « amis du peuple » dans « Que faire ? » (publication sur Internet dans les Archives du marxisme-léninisme).